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PARTICULARITÉ DE L’ENSEIGNEMENT DE JÉSUS SUR LE “BONHEUR”  
Le sermon sur la montagne[1] est une portion fascinante qui avait non seulement émerveillé l’auditoire qui écoutait attentivement Jésus (Mat.7:28-29), mais continue jusqu'à aujourd’hui à émerveiller beaucoup de gens. D’ailleurs, même ceux qui se revendiquent sceptiques témoignent de sa profondeur au plan éthique, bien qu'il faille souligner que son contenu va au-delà d'un simple code d'éthique. Par ailleurs, il est à noter que ce discours a été l’objet de différentes interprétations, ou pour dire mieux, a été victime de différentes interprétations[2]. Victime en ce sens que ces interprétations n’ont pas permis de saisir le sens même de ce discours. Nous croyons que, en dépit des différentes interprétations théologiques et sociales proposées, ce discours a un seul vrai sens, celui que Jésus lui-même lui donnait. Ce dernier peut être déniché en scrutant le texte et en tenant compte du contexte de l'Écriture en général. Il est, par ailleurs, important de faire remarquer que notre réflexion va mettre de l’emphase sur le concept que charge le signifiant "heureux" de la première section de ce discours, appelé les béatitudes, où le Seigneur Jésus enseignait spécifiquement sur le bonheur. Concernant les béatitudes, deux éléments sont à considérer. Premièrement, “heureux” est le mot qui ouvre le discours de Jésus (Mat.5:3). Deuxièmement, ce mot est répété environ neuf (9) fois (Mat.5:3-11) dans une progression ordonnée et enrichissante; ce qui lui donne un aspect particulier dans le corps du texte. Si le sermon sur la montagne constitue le socle sur lequel le ministère de Jésus-Christ et des apôtres se construisent[3], il est possible de dire que les béatitudes sont considérées comme l’ossature sur laquelle le reste du sermon est construit. Cela s'explique en raison du fait que les éléments descriptifs des béatitudes et de ce qui constitue dans l'ensemble le caractère ou la nature du chrétien sont déterminants pour être, par exemple, le sel de la terre ou la lumière du monde. Il faut être humble pour reconnaître qu'il faut totalement dépendre de Dieu, et par conséquent reconnaître qu'il faut lui apporter ses besoins dans la prière (Mat.6:19-34). Il faut être un débonnaire (Mat.5:5) pour pratiquer la tempérance et la réconciliation (Mat.5: 21-26). Il faut aimer la paix (Mat.5: 9) pour pratiquer la justice (Mat.6:1-4).

De plus, il est important de faire remarquer que, bien avant d’entrer dans les détails, les termes dans lesquels Jésus explique le bonheur paraissent choquants pour le monde actuel comme il avait été pour son époque. Jésus affirme que le bonheur est pour ceux qui sont “pauvres en esprit”, “affligés”, “débonnaires”, “ miséricordieux” … Comment un pauvre en esprit ou un affligé peut-il être heureux? Le discours de Christ est dérangeant dans le contexte des sociétés actuelles en ce sens qu’il utilise des mots qui ne font pas partie du champ lexical de bonheur. Entre autre, une analyse de la sociologie marxiste pourrait voir dans ce discours des propos qui masquent la réalité humaine et invitent les hommes et les femmes à accepter leurs conditions matérielles d’existence sous prétexte de l’héritage de la vie éternelle. Cela dit, une telle analyse étiquetterait les béatitudes d’un discours de résignation. Cependant, il faudrait dire que la limite d’une telle analyse se trouverait dans le fait qu’elle enlève ce discours de son contexte. Pendant que le sociologue met l’emphase sur la dimension sociale, Jésus est, lui-même, dans un contexte spirituel qui implique une relation fondamentale de l’homme avec son Dieu créateur.

D’autres domaines de connaissance ont investigué ce concept de bonheur puisque l’être humain, depuis longtemps, a toujours été dans une quête incessante du bonheur. C’est un élément primordial de sa vie. Cependant, dans cette réflexion, nous allons surtout accentuer sur le contenu de l’enseignement de Jésus. Pour se faire, nous estimons important de faire un détour par une analyse comparative, en exposant d’autres points de vue, afin de voir en quoi le discours de Jésus est particulier. Ainsi, nous avons choisi deux perspectives:  le nouvel âge philosophique, et la philosophie classique. Comme nous le verrons, le nouvel âge philosophique n’est pas un mouvement dérivé de la philosophie classique. Au contraire, il rejette cette dernière. Car, selon ce mouvement, le bonheur ne peut être saisi par la philosophie rationnelle ni par la science. Quant à la philosophie classique, le discours n’est pas, cependant, homogène. Nous avons deux grands courants d’investigation sur le concept du bonheur qui sont: le bonheur comme vertu (Socrate, Platon et Aristote) et le bonheur comme plaisir (Épicure). Ainsi, notre réflexion sera subdivisée en deux points. Dans le premier point, nous allons présenter les perspectives retenues susmentionnées. Dans le deuxième point, il sera question de présenter l’enseignement de Jésus sur le bonheur. 
 
Le “nouvel âge philosophique” et la philosophie classique sur le Bonheur

D’entrée de jeu, il est d’abord important de faire remarquer que le nouvel âge philosophique (the new Age Philosophy), n’est pas à confondre avec la philosophie classique. Celle-ci est un domaine de connaissance qui produit des paradigmes, des théories et concepts, permettant d’investiguer rationnellement un objet quelconque. C’est un système rationnel de connaissance. Tandis que le nouvel âge philosophique est, de préférence, un mouvement qui propose une certaine vision et croyance de la vie selon laquelle il est possible de trouver le Bonheur. Il faut également avouer, entre autre, qu’il y a plus que les deux points de vue que nous choisissons de présenter dans le cadre de cette réflexion, telles que l’économie et la psychologie. Mais, dans le souci d'écourter les détails de connaissance disponible sur le concept, nous avons tout simplement choisi d'explorer deux domaines, l'un non scientifique, mais important en termes d'actualité et l'autre rationnel, comme déjà susmentionné.
 
          a- Le nouvel âge philosophique

Le nouvel âge philosophique n’est ni un nouveau paradigme ni une science dérivée de la philosophie classique, comme a été le cas des sciences humaines. En revanche, le sociologue Maarten C. Berg le décrit comme une pseudo-religion[4]. C’est une certaine croyance et pratique spiritualiste liées à une manière de vivre selon laquelle les gens entendent atteindre le bonheur. S’il est vrai que la dimension matérielle du bonheur peut être considérée comme importante, elle n’est pas une condition indispensable. Le “New age philosophy” est une croyance spirituelle qui croit que le bonheur, se définissant comme un stade de satisfaction de la vie et un niveau de bien-être, est quelque chose qui va au-delà du monde rationnel. Il ne peut être compris ni saisi par les domaines de connaissance scientifique et rationnelle.

Cette perspective se constitue à partir d’une gamme variée de croyances spirituelles. Elle se sustente dans diverses sources spirituelles ésotériques et propose un vaste champ que l’individu peut lui-même explorer dans le but d’atteindre et de vivre son propre bonheur. S’il est vrai que le bonheur est quelque chose d'immatériel qui ne peut être saisi par les connaissances rationnelles du monde, l’individu, qui part à sa conquête, doit le vivre dans le temps présent : ici et maintenant. Le nouvel âge philosophique propose un ensemble de principes que Berg résume de la manière suivante :
Le New Age Movement est une pseudo-religion qui met l’emphase sur la qualité de vie ici et maintenant. Les dix principales recommandations pour une vie heureuse sont : (1) devenir spirituel; (2) être authentique; (3) connaitre soi-même; (4) être en connection avec le monde; (5) méditer; (6) penser positivement; (7) Prendre contrôle; (8) vivre sainement; (9) vivre dans la simplicité; (10) suivre son intuition[5].
 
Ces éléments, énoncés en résumé, nous donnent une idée plus ou moins claire de la perspective du nouvel âge par rapport au bonheur. L’élément clé pour vivre heureux dans cette vie est la dimension spirituelle. Celle-ci est, elle-même, une forme combinée des croyances spirituelles, lesquelles invitent l’individu à pratiquer continuellement de l’introspection. Cette perspective prône également l'idée de pouvoir de l’énergie intérieure et de la pensée positive.

          b- La philosophie classique

La philosophie classique, pour sa part, est un système de connaissance rationnelle visant à investiguer de manière rigoureuse, conceptuelle et selon une tradition de recherche, un objet et un domaine de la vie humaine. Le bonheur a constitué et constitue jusqu'à présent un objet important d’investigation philosophique.

Dans la tradition de la philosophie grecque, passant par Socrate pour arriver à Aristote, cette notion a été analysée comme un élément inconditionnel de la vie humaine. Selon Socrate, le bonheur n'est pas une condition externe comme avoir de l’argent. Il est une condition interne. Non seulement, le bonheur est une condition interne mais il constitue également la fin ultime de la vie humaine. Gregory Vlastos a fait savoir, à ce propos, que cette conception de Socrate du bonheur “devient axiomatique pour les moralistes subséquents de l’antiquité classique. Selon eux, le bonheur est désiré par tous les êtres humains comme la fin ultime de tous leurs actes rationnels[6]”. Et, en tant que fin ultime, le bonheur pourra bien évidemment rendre les individus sages à utiliser correctement les biens externes. Comme Socrate, Platon considère cette notion comme la fin des fins de la vie humaine. Heybron résume la conception platonicienne en écrivant que Platon “croyait que le bonheur (eudaimonia) est la seule fin de toutes les actions humaines et de ce fait cherchait à montrer comment nous devrions vivre si nous voulons atteindre cette fin”[7].  Pour ainsi dire, le bonheur est le but par excellence vers lequel toutes les activités et actions humaines se convergent. Pour Aristote également, le bonheur est le bien. En fait, selon ces trois auteurs précités, le bonheur est l’ultime vertu, identifiée comme le bien que tout être humain doit poursuivre et obtenir.

Cependant, la tradition philosophique épicurienne ne considère pas le bonheur comme le bien. Dans la logique épicurienne, il se compose du plaisir. Dans ce cas, la vertu n’est pas le bien mais le plaisir. Celui-ci ne cohabite pas avec la douleur ou la peine. Ils sont mutuellement exclusifs. La présence du bonheur implique nécessairement l’absence de la douleur. Vastos résume la perspective des épicuristes de la manière suivante: “identifier le bonheur avec le plaisir et l’absence de la douleur, en soutenant que cette vertu devrait être préférée au vice parce qu’il est seulement  plus plausible de produire de bénéfice hédonique[8]”.
 
Considérations critiques 

L’exposé succinct de ces deux grands paradigmes sur le bonheur trace l’ébauche de deux grandes traditions de recherche dans le champ de la philosophie classique, lesquelles jusqu'à présent sont de mise. Cependant, s’il est vrai que les deux empruntent un chemin différent, pour un même objet de réflexion (le bonheur comme vertu), il est nécessaire de souligner qu'il y a un fond commun en raison du fait que, dans les deux cas, le bonheur peut être atteint par l’effort humain, et que de fait, il en constitue le point de mire. Tout est centré sur la capacité humaine. En ce sens, il n’y a pas non plus de cloison étanche entre la philosophie rationnelle et le mouvement du nouvel âge philosophique. Les deux soutiennent, en réalité, que le point focal est la capacité que l’être humain possède à poursuivre et à atteindre son propre bonheur. Non seulement l’être humain est le sujet capable de poursuivre et d’obtenir son bonheur, mais celui-ci est essentiellement terrestre, en ce sens qu’il doit être vécu ici et maintenant. Pour ainsi dire, ce qui diffère le nouvel âge philosophique de la philosophie classique est que celle-ci propose la voie de la rationalité, tandis que celui-là suggère le chemin du spiritualisme pour l’atteindre.
 
Jésus sur le Bonheur

Probablement, la foule qui écoutait Jésus sur le bonheur était déjà familier avec ce mot. Sans doute, les scribes et les pharisiens avaient l’habitude de sermonner cette même génération sur les secrets du bonheur. Il est possible que les Juifs étaient au courant des propos des philosophes classiques grecs comme Socrate et Platon sur le Bonheur, sachant que les grecs avaient une grande influence intellectuelle sur les romains qui assiégeaient le territoire Israelite de l’époque. Mais, il se trouve que les termes dans lesquels Jésus décrivait et expliquait le bonheur était singulier. Car, Matthieu rapportait que la foule était émerveillée après avoir écouté son discours. Partant de ce point, la question légitime qu'il faut se poser est la suivante: en quoi le discours de Jésus sur le bonheur est-il différent de ces prédécesseurs?

Pour répondre de manière simple et claire, nous dirions que le mode d'approche et les termes dans lesquels Jésus choisissait de haranguer constitue ce qui différencie fondamentalement ses propos des autres. Premièrement, la différence est significative du point de vue de la méthode: là où les tenants du mouvement du nouvel âge et ceux de la philosophie classique montrent que l'être l'humain est capable d’atteindre le bonheur, le discours de Christ invite l’être humain à s’effacer et à avouer son incapacité. Deuxièmement, au plan de la définition, le bonheur, dans la perspective de Christ, est la joie procurée par Dieu lui-même, et celle-ci ne peut être acquise par l’effort humain. De plus, étant appréhendé comme un type de joie déposée par le Saint Esprit dans la vie de ceux qui se confient en Dieu, ce bonheur est circonscrit dans l’éternité. Étant de nature spirituelle et éternelle, ce type de bonheur ne peut être affecté par les circonstances et difficultés temporelles. Dans le premier volume de son commentaire de l’évangile de Matthieu, John Macarthur donne une explication pertinente sur le concept même du bonheur. Ainsi écrit-il :
 
Makarios… veut dire heureux, privilégié, bienheureux. Homer utilisait ce mot pour décrire un homme riche, Platon l’utilisait pour celui qui a une réussite en affaires. Mais Homer and Hésiod parlaient des dieux grecs comme étant heureux de l’intérieur parce qu’ils n’étaient pas affectés par le monde des hommes qui étaient eux-mêmes sujets à la pauvreté, la maladie, la faiblesse, au malheur et à la mort. Ainsi donc, le sens complet du terme concernait une satisfaction intérieure qui n’était pas affectée par les circonstances. C’est ce type de bonheur que Dieu désire pour ses enfants; un niveau de joie et de bien-être qui ne dépend pas des circonstances physiques et temporelles (cf. Phil.4: 11-13)[9].
 
Comme nous venons de le voir, cette joie ne vient pas de l’homme et ne peut être non plus conquise par lui. Par ailleurs, ce mot est également utilisé comme l’une des caractéristiques de Dieu (Ps.68: 35, 72: 18; 1 Tim.1:11, 6:15). Macarthur affirme pour sa part que “le mot heureux est souvent utilisé pour Dieu lui-même […][10]”. Dans ce cas, comme faisant partie du caractère de Dieu, celui ou celle qui est en communion avec lui jouira de ce privilège. James M. Boice, dans cette même ligne de pensée, souligne trois éléments à propos de ce type bonheur enseigné par Jésus. Premièrement, le bonheur est un cadeau gratuit de Dieu (Jacques 1: 16-17)[11]; deuxièmement, il est possible avec le pardon des péchés[12] (Ps. 32:1-2), et troisièmement, ce bonheur est possible d’être vécu quand le chrétien vit la vie de Christ qui est uniquement possible par le Saint Esprit[13]. Ces trois éléments évoqués par Boice impliquent qu’il faut être né de nouveau (Jean 3: 3, 5) et justifié par la foi (Rom.5:1) pour jouir de ce bonheur. Ce bonheur dépend uniquement de Dieu. Celui-ci descend du Ciel, en prenant la forme humaine, pour apporter le bonheur à l’humanité parce que l’homme ne peut absolument rien faire pour l’acquérir (Jean 1: 14; Phil. 2: 5-8). L’illusion des religions et des connaissances humaines, c’est de donner à l’homme l’impression qu’il peut, de par lui-même, atteindre le bonheur. L'enseignement de Christ affirme qu'il est impossible pour l’homme d’atteindre le bonheur tel que Dieu le voit lui-même.

Bien qu’il faille reconnaître que l’homme est un sujet capable, en ce sens qu’il est un être raisonnable et moral, en tant que créature de Dieu ; cependant, il est important de souligner qu’il a une nature corrompue par le péché qui l’éloigne de son créateur parfait et saint. C’est pourquoi, ses actes sont vains quand il s'agit de les considérer en rapport avec son créateur. La seule façon pour lui de jouir de ce bonheur est de reconnaître qu’il ne peut absolument rien faire, sinon témoigner de son incapacité et de crier à l’aide de Dieu. C’est en réalité ce que souligne Jésus- Christ dans la première béatitude : “heureux les pauvres en esprit” (Matthieu 5:3). Cette pauvreté n’est ni financière ni intellectuelle mais spirituelle. Celle-ci permet à l’homme de reconnaître son état de péché, lequel le met dans une condition misérable, d’humiliation et de totale incapacité face à son créateur. En ce sens, Nietzcche, avec son idée de “surhomme, se heurte devant ce premier principe enseigné par Jésus. Car, le surhomme, selon lui, est décrit comme l’homme qui, parce qu’il se crée continuellement, arrivera un jour à prendre la place de Dieu[14]. Le surhomme se suffit à lui-même n’a besoin d’aucune intervention divine. D’ailleurs selon lui, Dieu n’est qu’une invention pour affaiblir l’être humain.
 
S’il est possible, selon Nietszche, de compter sur soi-même pour créer son propre bonheur, pour Christ, cet état de satisfaction et de joie fondamentale est uniquement possible dans la reconnaissance de notre incapacité en tant qu’être humain déchu, dépravé qui, en conséquence, devra nous amener à demander à Dieu de nous sauver. Ce bonheur dont il s’agit dans le discours de Jésus est venu du ciel et nous inscrit dans une dimension éternelle, en ce sens qu’elle nous met dans une relation d’éternité avec le Dieu créateur. Et, parce qu’il vient d’en haut, rien d’en bas ne peut l’affecter. Jésus a dit lui-même: “heureux serez-vous, lorsqu'on vous outragera, qu'on vous persécutera et qu'on dira faussement de vous toute sorte de mal, à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux; car c'est ainsi qu'on a persécuté les prophètes qui ont été avant vous” (Matthieu 5: 11-22). Et l’apôtre Paul, pour sa part, a écrit ce qui suit: “car j'ai l'assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur” (Romains 8 : 38-39).

 
Conclusion et perspectives

Nous venons de voir qu’en dépit des différences méthodologiques ou d’approches entre le mouvement du nouvel âge et la philosophie classique, il y a des points communs. L’homme est à la fois au centre et le moyen par lequel il peut, lui-même, atteindre le bonheur. Tandis que Jésus, de son côté, montre que l’homme, pour jouir de ce bonheur, doit avouer qu’il est totalement incapable de l’atteindre, qu’il ne peut rien faire pour en jouir, sinon que de quémander la faveur de Dieu et d’implorer sa grâce. Par ailleurs, le bonheur, tant dans la perspective du nouvel âge philosophique ou de la philosophie classique que dans la perspective Christique, est une joie interne. Cependant, celle-ci, selon la philosophie du nouvel âge et la philosophie classique, vient de l’homme et s’inscrit dans le temps. Pourtant, dans la perspective de Christ, elle vient de Dieu et, par conséquent, déborde sur l’éternité. Dans cette même ligne de pensée, Salomon, dans Ecclésiaste, offre un cadre de référence qui nous permet de rendre plus clair notre perspective sur une note conclusive importante.
Toute l’argumentation de ce livre est développée à partir de deux concepts majeurs: la vie “sous le Soleil” (Ec.1: 3, 9, 14) et la vie “sous les cieux” (Ec.1:13; 2: 3; 3: 1). À notre avis, il serait impossible de comprendre ce que le sage Salomon veut enseigner sans ces concepts fondamentaux.

La vie "sous le Soleil" renvoie aux relations définies entre les êtres humains sur la terre. Ces relations sont caractérisées par la vie courte, la méchanceté, la perte, la déception, l’injustice, le crime et l’oppression. Selon l’auteur, cette vie sous le soleil est caractérisée par la “vanité” (Ec.2: 11, 23; 4: 4) et la “poursuite du vent” (Ec.3: 4, 16; 6: 9). Il est à noter que la vie sous le soleil est celle qui se délimite au temps et à l'espace terrestre où le rapport semble principalement être défini entre les humains.

Le second, étant la vie “sous les cieux”, définit l’être humain dans son rapport avec l’éternité. Elle ne l’appréhende pas dans son cadre terrestre uniquement, mais parle de Dieu et ce qu’il a fait en soulignant ses rapports avec lui. Salomon a pu écrire: “j'ai vu quelle occupation Dieu réserve aux humains. Il fait toute chose belle au moment voulu. Il a même mis dans leur cœur la pensée de l'éternité, même si l'homme ne peut pas comprendre l'œuvre que Dieu accomplit du début à la fin. J'ai reconnu que leur seul bonheur consiste à se réjouir et à bien agir pendant leur vie, et que, si un homme mange, boit et prend du plaisir dans tout son travail, c'est un cadeau de Dieu. J'ai reconnu que tout ce que Dieu fait durera toujours, sans qu’on puisse ajouter ou enlever quoi que ce soit, et que Dieu agit de cette manière afin qu'on éprouve de la crainte devant lui” (Ec.3 :10-14, second 21). À noter que le bonheur dont il parle est l’œuvre de Dieu.

Quand le sage décrit ce qui se passe sous les cieux, il voit l’humain dans une dimension autre que celle de la futilité de la vie. En concluant son argumentaire dans cette même perspective, il invite les hommes à craindre Dieu et à lui obéir (Ec.12: 13), sachant que le véritable bonheur en dépend. Ce type de bonheur, qui n'est ni futile ni temporel, s'inscrit dans la relation parfaite éternelle entre l'être humain et son créateur, laquelle relation l'invite à dépendre totalement de Dieu, la source du bonheur. C'est en quelque sorte ce que nous enseigne David dans le Psaume premier où il montre que celui qui est heureux est celui qui lit et médite la parole de Dieu. Et dans le chapitre deuxième, au verset douze, nous continuions à lire: "heureux ceux qui se confient en l'Éternel". Cette même idée est également exprimée dans le verset premier du chapitre 112 de ce même livre : "heureux l'homme qui craint l'Éternel et qui trouve son plaisir dans ces commandements". Si dans la vie sous le Soleil tout semble être terminé à la mort physique (Ec.3:16-22), il est à noter que dans la vie sous les cieux, nous sommes dans une dimension éternelle. Cette dimension nous invite également à comprendre que tout compte aux yeux de Dieu. C'est pour cela que le Roi Salomon nous avertit : “en effet, Dieu amènera toute œuvre en jugement, et ce jugement portera sur tout ce qui est caché, que ce soit bon ou mauvais” (Ec.12:14).

À la lumière de ce cadre de référence développé dans le livre d'Ecclésiaste, nous pouvons circonscrire le bonheur selon les points de vue du nouvel âge philosophique et de la philosophie classique sous le concept de la "vie sous le soleil". Étant limité dans le temps, ce bonheur n’est que vanité ; tandis que le bonheur enseigné par Jésus s’inscrit dans la vie sous les cieux, c’est-à-dire ce qu’il propose est en étroite relation avec l’éternité. Pour ainsi dire, le bonheur de l’homme dérivé de la vie “sous le soleil” est éphémère et est sujet à être perturbé par les circonstances de la vie et l’injustice humaine. Un tel bonheur ne peut être une joie infinie parce que non seulement elle est sujette à la modification contextuelle et temporelle, mais elle se limite à la vie sur terre ou à la mort. Solomon nous dit : “les vivants, en effet, savent qu'ils mourront, tandis que les morts ne savent plus rien, et ils n’ont même plus de récompense à attendre, puisque leur souvenir est oublié. Même leur amour, leur haine et leur zèle ont déjà disparu ; ils ne prendront plus jamais aucune part à tout ce qui se fait sous le soleil” (Ec.9 : 5-6). En revanche, le bonheur véritable de l’homme, selon l’enseignement de Jésus-Christ, ne peut venir que de Dieu, son créateur. Ce type de bonheur est éternel et ne peut être affecté par les vicissitudes de la vie. Seuls ceux qui sont enfants de Dieu peuvent jouir de ce bonheur enseigné par Jésus.
 

Mauley Colas
Vice-Président de Standing 4 Christ

 
 
 
​ Notes de références

[1] Le sermon sur la Montagne constitue le premier discours public de Jésus de Nazareth. Il couvre trois chapitres (5,6 et 7) dans l’évangile de Matthieu.

[2] Les auteurs comme Martin Llyod Jones (1976) and James Montgomery Boice (1972) ont abordé de manière critique ces différentes interprétations. En fait, il y a quatre (4) versions que nous voulons justement énumérer sans en donner les détails. Premièrement, nous avons l’évangile social qui interprète ce discours comme un enseignement sur l’éthique qui doit être appliqué au niveau de la société en général. Deuxièmement, il y a une interprétation légalistique qui interprète ce discours à la lumière de la loi de Moïse. Troisièmement, il existe une interprétation qui voit ce discours comme une batterie de normes standardisées de haut niveau que les êtres humains n’atteindront jamais et que, de ce fait, il ne faut pas les considérer sérieusement. Quatrièmement, la perspective dispensationaliste soutient que ce discours n’est pas pour le temps présent mais sera appliqué dans le Millénium. Pourtant, il se trouve que notre étude attentive du sermon sur la montagne nous pousse à la conclusion que ces quatre perspectives précitées ont fait fausse route. Pour plus détails, je recommande les auteurs susmentionnés.

[3] Martyn Llyod-Jones, Studies in the Sermon on the Mount, 2nd ed Grand Rapids/Cambrigde: William B. Eerdmans Publishing Compagny, 1976, pp.10-11.

[4] Maarten C. Berg, New age advice: ticket to happiness? In Journal Happiness Studies, vol.8, 2008, pp 361-368.

[5] Maarten C. Berg, Op.cit.,p. 374.

[6] Gregory Vlastos, Happiness and Virtue in Socrates ‘Moral Theory, Topoi, March 1985, Volume 4, Issue I p.4.

[7] Daniel M. Heybron, Two philosophical problems, in the study of happiness, in Journal of Happiness Studies, February 2000, p.209.
 
[8] Gregory Vlastos, Op.cit, p.4.

[9] John Macarthur, The MacArthur New Testament commentary, Matthew 1-7, Chicago: Moody Publishers: 1985, pp.141-142.

[10] John MacArthur, Op.Cit., p142.

[11] James Montgomery Boice, The Sermon on the Mount, Matthew 5-7, Grand Rapids: Bakerbooks, 1972, p.16.

[12] James Montgomery Boice, Op.Cit., pp16-17.

[13] James Montgomery Boice, Op.Cit., P.17.

[14] “Nietzsche n’a qu’un désir et un amour : mettre au monde le surhomme. Sa tristesse et son amitié pour un ami doivent être celle du surhomme. Pour cela, il doit parler autrement. Ce surhomme est un nouveau matin. Le surhomme, dans les îles bienheureuses, est ce qui a pris la place de Dieu. Nietzsche invite ses disciples, ses frères comme il les appelle à se transformer en pères et en ancêtres du surhomme. C’est cela leur meilleure création. Il extasie, ensuite, devant la beauté du surhomme qui le visite comme une ombre. Au paragraphe 335 du Gai Savoir, Nietzsche définit l’homme de l’avenir ou surhomme comme celui qui incessamment se crée lui-même. Comment entendre cette autocréation ? Comme la capacité de surmonter toute fixation, comme la volonté curieuse d’endosser de nouvelles compétences, activités et valeurs. Le surhomme nietzschéen est prêt à endosser les statuts et les formes de vie les plus contrastées, moins intéressé par le contenu même de chacune d’entre elles que par l’exploration de ses propres virtualités. Dans cette optique, l’imagination, comme moyen de la métamorphose, joue un rôle décisif”. In L’athénien, récupéré en ligne sur : https://akepatrice.wordpress.com/2009/08/23/le-surhomme/  (le 13 mars 2017).
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